Auteur : Claude Chevant
Les conjoints survivants, mieux que quiconque, savent ce que peut être un deuil : deuil au décours d’un accident brutal, ou deuil succédant à une longue et douloureuse maladie.
Mais avant, quelle a été leur expérience ? En particulier quand ils se sont trouvés face à un conjoint, confronté à une mort annoncée, ne répondant plus à une thérapeutique anticancéreuse, ou atteint d’une maladie neurologique irréversible… Beaucoup ont été bien entourés par des parents, des amis, des voisins, des aumôniers…, ont eu affaire à des soignants dévoués, attentifs à soulager la souffrance de leur malade, et leur deuil estompé, ils aimeraient aider d’autres familles qui sont plongées dans la douleur et le désarroi qu’eux-mêmes ont connus.
D’autres ont fait l’expérience inverse, se sont trouvés isolés, épuisés, sans une présence discrète et écoutante, qui leur aurait permis de tenir dans un accompagnement difficile, et le temps passant, ils voudraient contribuer à ce que les choses changent.
Telles sont aussi, pour beaucoup, les motivations qui les poussent à devenir candidats au bénévolat en soins palliatifs au sein d’associations, telle que l'asp.
ET SI J'ETAIS BENEVOLE.. !
C'est une question que je me suis posée le jour où j'ai cessé mon activité. A une période scolaire particulièrement courte, conclue à un niveau approximatif de BAC moins 5…, devait succéder une vie professionnelle dans le monde du spectacle qui a duré plus de quarante cinq ans et puis… arriva le moment de la retraite. Alors ?
Je me suis toujours beaucoup intéressé aux autres et je suis très curieux de tout ; alors, il m'a semblé que, n'ayant plus le souci de travailler pour gagner ma vie, le désir de faire du bénévolat s'imposait à moi. Encore fallait-il savoir où ? Et comment ?
Le hasard fait bien les choses. Durant l'été 1998, la lecture dans le Figaro-Madame d'un reportage sur les soins palliatifs à l'hôpital fut pour moi le révélateur dont j'avais besoin à ce moment là.
Suivant les conseils et indications qui m'étaient donnés, je téléphonais à l'asp.
Alors, commença le processus qui devait m'amener au bénévolat en soins palliatifs au domicile.
Après avoir franchi les étapes (sélection, formation), j'intègre l'équipe d'asp présence à domicile.
Les malades ? De toutes confessions et de tous milieux. Quant à l'âge ? Mes deux extrêmes : de 5 ans à 85 ans.
De quoi s'agit-il exactement ?
D'aller les voir chez eux, dans leur intimité, la demande venant d'eux-mêmes, de leur famille ou de leur médecin, et d'être pendant quelques heures à leur écoute. Le reste de la famille (se résumant bien souvent au conjoint) peut enfin souffler un peu, sortir, ou se distraire, pourquoi pas ?
Ça nous donne même l'impression d'être utile. Mais, attention : le bénévole n'est pas un professionnel. Je m'explique : il n'est ni médecin, ni infirmier, ni psychologue, ni personnel hospitalier , ni même là pour faire le ménage ou éventuellement des courses.
Il est là. C'est tout. Dans certains cas, c'est beaucoup.
Pour être plus performant, plusieurs stages de formation sont proposés au cours de l'année : la « communication non verbale », « le deuil », « le toucher » et « l'écoute », qualité essentielle du bénévole, qui comme la plupart des gens, sait mieux entendre qu’«écouter». Alors, il apprend.
Il m'est arrivé d'accompagner un malade qui dormait à côté de moi. Tout simplement parce qu'il se «sentait bien».
Je me souviens d'une dame que je devais voir pendant plus d'un an. Quoiqu'à un stade avancé de sa maladie, elle refusait catégoriquement de s'apitoyer sur son sort. Nous sortions faire le tour du quartier, allions rituellement boire un thé et elle me contait avec bonheur les souvenirs d'une vie bien remplie avec des détails que ses proches ne devaient pas connaître à mon avis. Le tout ponctué le plus souvent d'éclats de rire. C'est aussi ça la vie.
Il va sans dire que la confidentialité la plus élémentaire est demandée dès notre formation et qu'il faut en tenir compte même quand nous parlons du malade avec notre binôme (il y a toujours deux bénévoles pour un patient, en alternance, ce qui permet une continuité dans l'accompagnement en cas d'empêchement et peut éviter un attachement toujours possible), et puis certains cas difficiles ne doivent pas être supportés par une seule personne. Le travail en équipe est de rigueur, alors on s'appuie sur le groupe de parole, avec un psychologue toutes les 3 semaines. Nous abordons des situations parfois complexes et nous essayons de trouver la ou les solutions pour en venir à bout.
Le bénévole espère apporter quelque chose aux personnes qu'il visite. Il est certain que tous ces malades et leurs familles, par leur attention, leur témoignage de confiance et de reconnaissance, contribuent en retour à son enrichissement personnel.
Si ma santé me le permet, j'aimerais continuer encore le plus longtemps possible à accompagner des patients en fin de vie. Je pense que s'il n'est pas souhaitable en général d'exercer ce bénévolat trop jeune, une certaine expérience de la vie étant nécessaire, il ne faut pas considérer cette fonction comme étant réservée aux retraités ; la vérité se situe au milieu, je pense. De toutes manières, j'aimerais que cet exposé " convertisse" le plus grand nombre à cette action qui, je vous l'assure apporte plus qu'elle ne coûte.
Alors, sans se prendre au sérieux, ce qui n'exclut pas de faire les choses sérieusement, si vous avez eu la curiosité de lire cet article jusqu'au bout, pourquoi ne vous diriez-vous pas comme il est dit, en tête de ce chapitre :
ET SI J'ETAIS BENEVOLE. A bientôt, j'espère.
|