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Mise à jour du 28 novembre 2011  ...
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Bientraitance et personnes âgéesDocteur Sophie NOEL,Minouche SABER, psychologue,Martine JAQUEMET, Directrice des SoinsJulia SOUILLAC et Anne-Marie DANIEL, bénévoles d’accompagnementCentre de gérontologie « Les Abondances » à Boulogne-Billancourt (92)Des représentants de diverses professions soignantes, la direction des soins, une équipe de bénévoles accompagnants ASP rapportent leur souci, non seulement de lutter contre toutes les formes de maltraitance, mais de façon plus positive de faire reconnaître la bientraitance comme une attitude normale qui devrait être adoptée par tous. Bien des difficultés et des obstacles restent à surmonter et ne peuvent l’être que si l’ensemble des personnels mène une action solidaire. La réflexion des personnels se base sur une expérience dans un grand centre de gérontologie, les Abondances, à Boulogne, qui comporte deux pôles d’activité : un pôle d’activité sanitaire avec 30 lits de soins de suite et 71 lits de soins de longue durée, et un pôle d’activité médico-sociale avec 157 lits en Etablissement Hébergeant des Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) dont 49 en EHPAD psycho gériatrie et 4 lits d’accueil temporaire. Ce travail comporte 3 parties : La perception de soignants impliqués directement auprès des personnes âgées avec l’approche commune d’un médecin, d’un psychologue, la réflexion spécifique de la psychologue, les préoccupations du médecin avec l’apport des kinésithérapeutes. Vers une « bien traitance » de la personne âgée en milieu institutionnel ? Docteur Sophie NOEL « Qu’est ce qu’être juste à l’égard des personnes âgées?» ensuite c’est reconnaître la spécificité de leur besoin de sécurité, d’équité et d’identité. « Qu’est ce qu’être juste à l’égard des personnes âgées malades?» enfin, c’est accepter de reconnaître la pleine dépendance de ces malades et de bien mesurer ce que signifie le rapport de pouvoir qui s’instaure avec eux. Plus que tout autre, le malade âgé nous place dans une obligation de mettre au clair nos valeurs et d’accepter nos limites. Il y a le droit des malades au respect, il y a aussi le droit à l’imperfection pour ceux qui les soignent. Etre juste c’est reconnaître le droit d’autrui à recevoir les mêmes égards que j’espère recevoir de lui (1). I - Bientraitance en milieu gériatrique : de quoi parlons-nous ? A. Bientraitance Nous n’avons trouvé aucune définition de la bientraitance dans les dictionnaires dont nous disposions. Alors, que nous évoque ce terme ? En tant que professionnels travaillant en institution gériatrique, faut il évoquer la bientraitance ou la « normalité » de la prise en charge ? la bientraitance suggère une qualité et un professionnalisme qui pour nous est un impératif. Dans le même temps, ce terme amène à considérer la notion opposée de « maltraitance ». Pour avancer dans notre réflexion, nous nous appuyons sur la définition de maltraitance identifiée à la violence, telle qu’elle à été déterminée par une commission du Conseil de l'Europe, en 1987, reprise par l’association ALMA(Allo maltraitance personne âgée) et qui est le plus utilisée : La maltraitance, ou violence, se caractérise par tout acte ou omission commis par une personne, s'il porte atteinte à la vie, à l'intégrité corporelle ou psychique ou la liberté d'une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou à sa sécurité financière. Selon ALMA, la maltraitance peut être liée à des violences physiques et psychiques, mais aussi à des négligences actives (privation des aides indispensables à la vie quotidienne : manger, s’habiller, se lever, aller aux toilettes, recevoir des visites…) et passives (oubli, abandon…) qui constituent la maltraitance par omission. Pour définir la bientraitance, nous évoquons une réflexion de professionnels prenant en charge des enfants en situation de difficulté familiale et sociale, et qui nous semble pouvoir s’appliquer à la personne âgée. La bientraitance est un ensemble de comportements, d'attitudes qui prennent en compte la situation de la personne, s'adaptent à ses besoins divers (psychologiques, physiologiques, affectifs, etc.) avec pour objectif de lui permettre un développement harmonieux. Notre expérience en institution gériatrique nous fait penser que la limite entre maltraitance et bientraitance est parfois ténue. B. Bientraitance et contraintes en milieu hospitalier Le manque chronique de personnel soignant entraîne un cercle vicieux d’« automatisation de la fonction soignante ». Ainsi, certains soignants habitués à fonctionner dans l’urgence peuvent adopter une attitude potentiellement maltraitante. Ensuite, l’absence de valorisation de la mission soignante en gériatrie amène un manque de candidature de personnels qualifiés : infirmières, aides soignantes en particulier. Ce déficit est comblé par l’embauche de personnels non qualifiés qui pose le problème du manque de connaissance de la mission soignante et plus encore de sa spécificité concernant la personne âgée. Les médecins sont aussi fréquemment en sous effectifs, ils peuvent parfois travailler dans l’urgence au dépend de l’aspect relationnel. Le manque de temps, la pénibilité des tâches, la confrontation des personnels de soins à des situations difficiles (le vieillissement, la dégradation physique et psychique) et la sous qualification peuvent générer chez ceux-ci beaucoup de souffrance et favoriser l’émergence de la maltraitance. Certains professionnels parlent aujourd’hui de la "maltraitance budgétaire" ; estimant que l’état et les conseils généraux imposent des budgets qui ne leur permettent pas de prendre correctement soin des personnes âgées. Notre quotidien professionnel est chargé d’exemples de mauvaises pratiques ou attitudes vis à vis de la personne âgée (par d’autres ou nous-mêmes ?). Nous habituons-nous à ce qui nous a choqué au premier jour ? Comment définir la notion de normalité quand elle se situe dans un milieu aussi marginalisé que l’institution gériatrique, avec des moyens humains et matériels toujours insuffisants ? Mais le temps et les « manques de moyens »ne justifient pas tout et chacun doit savoir en temps que professionnel se fixer les principes -parfois simplement le « bon sens »- et les limites de sa relation à la personne âgée.
Minouche SABER, psychologue L’humanisation des établissements gériatriques a permis de démolir les hospices, d’améliorer les locaux et les équipements mais aussi d’introduire de l’humain tout en professionnalisant et en diversifiant les intervenants. Pourtant les efforts fournis par les professionnels doivent continuer. Notre rôle est d’évaluer les besoins de nos aînés pour les accompagner dans ce dernier chemin de vie en donnant de la qualité au temps qui reste. Alors, Comment bientraiter nos aînés avec les réalités de l’institution? A. Vie en institution – Incidences psychologiques Le vieillissement est accompagné d’un cortège de modifications (corporelles, sociales, psychiques) qui oblige l’individu à faire face à un certain nombre de pertes (perte de fonction, d’objet, de soi). Il va tenter de les intégrer psychiquement afin de garder un certain équilibre malgré ces changements. · L’entrée en institution est un moment charnière que le sujet âgé doit affronter avec une nouvelle série de ruptures. Il doit faire tout un travail de deuil, en plus des deuils inhérents à la vieillesse. L’entrée est toujours un moment douloureux, qui peut avoir un effet traumatique pour le sujet et son entourage (2). Une violence dont les institutions gériatriques ont pris conscience. Elles mettent, de plus en plus, en place des procédures pour préparer le sujet âgé et sa famille en leur donnant la possibilité d’élaborer ce projet. · Une fois en institution, la personne âgée est confrontée à une vie en collectivité avec ses règles, son fonctionnement, ses contraintes, son manque de confort, la promiscuité… Pourtant si elle est là, c’est parce qu’elle est fragilisée, vulnérable, qu’elle a besoin d’être aidée dans sa vie quotidienne. Elle peut attendre de l’institution que celle-ci joue son rôle de protection, de « Moi auxiliaire » l’aidant à maintenir une continuité de vie, l’aidant à restaurer son estime d’elle-même, fragilisée, voire dégradée par les blessures narcissiques que lui infligent la perte d’autonomie et la dépendance associée. Pour que la personne âgée puisse s’installer et investir ce nouveau lieu de vie, on va lui proposer et même l’encourager à amener des objets personnels voire des petits meubles pour aménager son coin de chambre. Ces objets sont des repères identitaires extérieurs qui vont l’aider à trouver un espace privé, d’intimité dans cet espace public. Cet espace public est un espace familier pour le soignant qui se l’est approprié. C’est alors que frapper à une porte de chambre et d’attendre la réponse du sujet avant d’y pénétrer peut être un geste oublié en institution alors que si ce même soignant intervient au domicile il va lui sembler évident de sonner et d’attendre la réponse. Difficile de se sentir chez soi avec ce tiers médical toujours présent. Le soignant fait constamment intrusion dans cet espace privé, d’intimité. Difficile pour l’institution de concilier ces différents espaces, espace privé du résident, espace de soin et lieu de travail pour les soignants. Bientraitance et relation soignants-résidents Mais une connaissance accrue des personnes peut créer des affinités qui empêchent une distance professionnelle dans la relation. La question de la distance relationnelle avec le tutoiement est problématique dans les institutions gériatriques. Le tutoiement est une effraction psychique qui met la personne âgée dans une relation de proximité avec le risque de soumission, même si les soignants qui tutoient les résidents ou qui emploient des surnoms parlent aussi de l’affection qu’ils leur portent. Cette familiarité peut provoquer un rapproché affectif difficile à gérer et renvoyer chacun des protagonistes à son histoire personnelle. Prendre soin dans ce lieu de vie, rester chaleureux en respectant les limites de la relation, la bonne distance n’est pas toujours facile à trouver pour les soignants, qui sont constamment confrontés à la dépendance, à la démence, à la déchéance et à la mort. L’institution leur demande non seulement d’avoir des compétences dans les aspects techniques des soins mais aussi dans les aspects relationnels avec des personnes âgées qui peuvent avoir une grande demande. En effet, la relation de soin est une relation inégale mais aussi d’attente mutuelle. D’un côté il y a un sujet fragilisé, en situation de demande et tributaire de la réponse du soignant. De l’autre, un soignant qui attend la reconnaissance et la vérification d’un pouvoir réparateur. Mais on ne guérit ni de la vieillesse, ni de la mort. Il peut alors exister un décalage entre l’idéal du soignant et la réalité de l’institution avec les limites qu’elle impose. Confronté à son impuissance le soignant peut alors souffrir. Cette inégalité de part et d’autre correspond à des situations que nous avons tous connues. Ce sont les caractéristiques analogues à celles de la relation parents-enfants mais qui s’inverse au contact de la personne âgée (renversements des rôles et des générations). Les facteurs affectifs peuvent alors perturber la relation avec des attentes telles de part et d’autre qu’elles transforment les rapports d’échanges en rapport de force. Ce type de relation confie un réel pouvoir au corps soignant dont il doit prendre conscience. Travailler en gériatrie c’est aussi se poser des questions sur son propre vieillissement par identification au sujet âgé. Les soignants peuvent alors se plonger dans un travail à la chaîne, pour se protéger des angoisses plus intimes et profondes. C’est à Ploton qu’on doit la première publication sur la souffrance du soignant en gériatrie. Il faut la prendre en compte et lutter contre l’épuisement professionnel (3). L’épuisement professionnel a bien sûr des causes personnelles (chaque soignant a dans sa vie personnelle des difficultés, parfois des drames à vivre) mais aussi organisationnelles. On peut agir sur ces dernières en réfléchissant sur l’organisation et la vie en institution. Prendre soin des sujets âgés dans la bienveillance c’est aussi prendre soin des soignants. Pour aller vers une bientraitance, pour prendre en charge les résidents dans le respect de leur individualité et de leur dignité, la professionnalisation et la formation sont indispensables. Il faut que les institutions mettent à dispositions des soignants des moyens pour la formation. La formation est un besoin pour développer ses connaissances, son savoir, ses aptitudes mais elle est surtout un outil pour des changements concrets dans les unités. Elle permet aux soignants de développer leur créativité. Les démarches de soins, les projets de vie sont aussi indispensables. Elles impliquent un questionnement sur les rôles, les fonctions de chaque professionnel et sur les besoins et désirs des personnes âgées. Elles vont permettrent aux différents membres de l’équipe de trouver une cohésion autour du résident. L’animation partie intégrante du projet de vie favorise les rencontres, les échanges, réanime le désir et procure du plaisir. L’équipe trouve aussi sa cohésion grâce aux réunions pluridisciplinaires qui permettent au-delà de l’étude de cas, de susciter l’expression des éprouvés du personnel et leur mise en sens. Un questionnement sur le sens des pratiques pourra être maintenu, garant d’une philosophie de soin cohérente. Ce travail favorise la responsabilisation et la valorisation des professionnels. Il faut multiplier les lieux d’échanges et d’expressions. Les groupes de paroles, sont aussi des espaces importants, quand ils existent. Ils permettent l’expression des émotions pour qu’elles puissent être parlées et non pas agies ou refoulées. III – Bientraitance et prise en charge soignante au quotidien La prise en charge au quotidien montre que dans de multiples situations, la limite entre bien et maltraitance est difficile à trouver. · La stimulation : L’apport des kinésithérapeutes (Fabienne GRISE, Flora BORDJIAN, Marie Hélène LELIEVRE) Notre but est une prise en charge globale de la personne dans le recherche du maintien ou de la récupération de son autonomie, mais aussi du respect du confort du résident selon ses désirs et ses possibilités. Notre rôle est d’évaluer, perfectionner et de transmettre aux équipes les capacités fonctionnelles de la personne en insistant sur la nécessité d’adapter nos exigences en fonction de l’environnement (facteurs climatiques, évènements familiaux tels que vacances des enfants, désir du résident et, ou incapacité passagère). Nous constatons souvent au cours d’une séance de rééducation que les performances de la personne âgée sont meilleures que ne l’ont dit les soignants, sans doute parce qu’ils sont en confiance, dans un espace de temps assez long qui leur est consacré. Il faut être toujours vigilant pour que stimulation ne devienne pas acharnement au nom du maintien d’un résultat. · La contention : La contention physique est la deuxième forme de contention : bienveillance ou maltraitance ? Elle peut être utilisée par exemple pour une personne désorientée déambulant et à risque de chute du fait de difficultés à la marche. Les équipes soignantes se sentent responsabilisées par le risque de traumatisme secondaire aux chutes. Faut il attacher la personne au risque de lui faire perdre sa capacité de marche ? Les risques ne sont pas moindre en terme de conséquences traumatiques si la personne chute avec son fauteuil, ou passe par dessus les barrières du lit… Il existe actuellement une documentation éditée par l’ANAES (4) qui répertorie les différentes études réalisées et présente l’analyse d’un groupe d’experts. Ces études n’ont pas trouvé de bénéfice à la contention. Au contraire, ils notent un risque accru pour le «patient chuteur», à court, moyen ou long terme. De même, que signifie l’habitude prise assez systématiquement de relever les barrières de lits quand au respect de la liberté d’autrui ? La prise de décision des professionnels doit intégrer une réflexion éthique. Les enjeux et les conséquences de la contention justifient qu’elle soit une prescription médicale (c’est à dire de la responsabilité du médecin) exceptionnelle, évaluée en fonction des bénéfices/risques engendrés, prescrite si besoin pour un temps donné et réévaluée systématiquement. La encore, les concertations en équipe permettent au médecin de décider de l’attitude la plus adaptée. · Acharnement ou abandon ? D’un autre point de vue, jusqu'à quand doit on poursuivre la prise en charge curative ? Quand faut-il renoncer, accepter la mort prochaine et mettre en place des soins palliatifs ? L’expérience en gériatrie montre qu’il n’y a jamais de situation facile d’autant plus que la personne âgée peut ne plus être capable de communiquer. Le plus souvent, l’acharnement thérapeutique se manifeste par une absence de limite à la prise en charge curative. Le décès de la personne semble survenir « malgré tout » alors qu’elle est en réalité l’aboutissement d’une dégradation irrémédiable (la maladie démentielle en est le meilleur exemple). Bien traiter, c’est considérer que la qualité de vie de la personne est une priorité du soin. Ceci doit forcement amener à une réflexion médicale et éthique sur notre prise en charge. Quel intérêt pour le patient de poursuivre telle thérapeutique médicamenteuse, de continuer des soins potentiellement traumatiques ; de mettre en place une sonde de gastrostomie d’ alimentation, de transférer dans un service aigu d’un autre hôpital ?… Dans ces situations, il est extrêmement difficile de prendre des décisions thérapeutiques seul. Se former, s’informer, et travailler toujours en pluridisciplinarité pour décider si la personne âgée ne peut le faire. Les axes de réflexions ont été définis par le Dr Sebag Lanoé (les dix questions pour une décision (5)) et doivent toujours rester en mémoire. Dix questions pour une décision (d’après R.Sebag Lanoé « soigner le grand âge ») Quelle est la maladie principale de ce patient ? Conclusion Le milieu institutionnel est le lieu d’accueil des personnes âgées les plus fragiles et dépendantes qui nécessitent une prise en charge globale. Les professionnels soignants, doivent exprimer des compétences professionnelles et de capacités relationnelles très spécifiques. Paradoxalement, cet univers difficile est trop faiblement doté en moyen humain et financier, et peu valorisé professionnellement. Comment répondre alors à l’impératif de bientraitance ? Pour cela, donner du sens à notre fonction, apprendre à travailler ensemble, partager et réfléchir sur notre relation à la personne âgée constituent un moteur indispensable à notre mission professionnelle et un gage de qualité de soins. Ainsi, le fonctionnement en pluridisciplinarité, la formation et les réunions d’équipes nous aiderons à lutter contre les dérives. bibliographie (1) Eric Fuchs. Qu'est ce qu'être juste à l'égard des personnes âgées malades? In Gérontologie et société 101:11-17, 2002. (2) Claudine Badey-Rodriguez. Les personnes âgées en institution: vie ou survie. Edition Seli Arslan.1997. (3) Louis Ploton.La personne âgée Chroniques sociales. 1991. (4) Agence Nationale d'Accréditation et d’Evaluation en Santé. Limiter les risques de la contention physique de la personne âgée : étude d'évaluation des pratiques. octobre 2000. (5) Rénée Sebag Lanoe. Soigner le grand âge. Editions Desclée de Brouwer. 2004. (6) Agence Nationale d'Accréditation et d’Evaluation en Santé. Evaluation et prise en charge thérapeutique de la douleur chez les personnes âgées ayant des troubles de la communication verbale. Recommandation octobre 2000. Implication de la Direction des Soins dans la formation à la bientraitance. Un exemple parmi d’autres : « par la bouche accompagner la vie » Martine JAQUEMET Directrice des soins Le Centre de Gérontologie «Les Abondances» a pour vocation la prise en charge des personnes âgées qui, pour une raison sanitaire ou médico-sociale, ne peuvent momentanément ou définitivement rester à leur domicile Qu’est-ce que la bientraitance pour un directeur des services de soins dans un centre de gérontologie ? N’est-ce pas tendre à ce que chacun soit reconnu comme une pierre indispensable dans la construction des projets d’une entreprise sociale au service des personnes âgées ? Redonner à chacun la notion de valeurs sur lesquelles on ne peut transiger et qui mènent non pas à la satisfaction intellectuelle, mais à une pratique de terrain, au quotidien. Intransigeance des valeurs : c’est rester professionnel, c’est impulser une dynamique personnalisée pour chacun des résidents, c’est redonner du sens. La motivation de tous doit rester ce qui nous rassemble, ce pour quoi nous sommes tous employés, c'est-à-dire, le bien-être des résidents. La loi du Droit des Malades de mars 2002 vient nous aider, mais quel challenge pour la faire passer de façon positive à l’ensemble des agents ! Il faut tendre vers une cohésion d'équipe en exploitant les potentiels, les énergies humaines. Les équipes sont souvent démotivées, chacun travaille dans son coin, agit à sa manière, persuadé, en plus, de bien faire ! et se rejette la faute.. ………. L’établissement « Les Abondances » possède un capital précieux d’agents ayant un sens de la responsabilité de leur travail. Individuellement, ses agents sont parfaitement aptes à reconnaître les besoins individuels des résidents. Hors, il apparaît une large perte entre la perception du besoin et sa réalisation au quotidien. Le caractère hors dimensionnel de tout amène aussi aux comportements hors dimensionnels. Les pertes des repères essentiels, tels que la valeur du travail, le respect de l’autre, l’attention (que ce soit au résident ou à son propre collègue), l’autorité, la hiérarchie et même le respect de soi-même, apparaissent sans commune mesure, « hors dimension ». Deux projets sont en cours : 1. Donner une dimension humaine à l’établissement. Le résident, acteur principal de l’établissement doit rester acteur de sa vie, et non la subir. Or, bientraiter les agents c’est amener à la bientraitance des résidents. En redonnant valeur humaine avec des plus petites équipes et un nombre raisonnable de résidents, nous allons pouvoir nous centrer sur la qualité et l’individualité de chaque prise en charge. Actuellement, les équipes ont à leur tête un cadre pour 35 à 40 agents et 66 à 70 patients. Un cadre et 15 à 20 agents pour 30 patients permettraient une nouvelle dynamique. Il faut redonner à chacun son rôle propre et la valeur qu’il transmet. La qualité du « prendre soin » va alors pouvoir regagner son titre de noblesse légitime et indispensable dans notre vie de soignant en service médico-social. Nous devons individualiser la prise en charge des résidents et des malades accueillis dans l’établissement, valoriser le travail et donner ainsi à tous, la possibilité de s’accomplir et de progresser professionnellement. 2. Impulser par l’extérieur une nouvelle vision éthique et aider à la professionnalisation des agents dans le cadre d’un chantier d’insertion Contrat Emploi Solidarité. En partenariat avec l’association STARTER et avec, dans le 92, le concours du Conseil Général, de la Direction de Travail et de L’Emploi, de L’ANPE et de la mairie de Boulogne Billancourt, un projet de chantier d’insertion pour les CES est en cours. Ce projet s’intitule : « Par la Bouche Accompagner la vie ». Accompagner la vie pour les agents en Contrat Emploi Solidarité. Accompagner la vie des résidents : Le challenge reste d’amener au professionnalisme des agents dans le respect des autres (résidents, équipes en place et soi même) et de donner à l’institution une ouverture de qualité dans la prise en charge des résidents. Les difficultés du challenge : o Pour les agents recrutés en CES La philosophie et pédagogie de ce projet se résument en trois phrases : - La responsabilité d’être moteur d’un accompagnement de l’eau, symbole de la vie. - Le rapport à la permanence du besoin, à la permanence des métiers de la santé. On ne s’engage dans « le monde de la santé » sans prendre conscience de la permanence de nos missions. Les objectifs sont de : Permettre aux personnes admises en Contrat Emploi Solidarité dans l’établissement de s’intégrer dans les équipes soignantes au service du résident et d’acquérir une qualification de qualité pour l’obtention d’un futur emploi. L’hygiène fait partie intégrante de cet accompagnement. A partir de sa propre bouche et de la représentation qu’elle évoque dans la vie et les contraintes quotidiennes, l’agent devra travailler pour améliorer « le chemin de la bouche » (la bouche, la parole, quelles paroles, « à qui ? » et « comment ? »). Peut-on parler avec une bouche non saine ? Peut-on manger avec une bouche sèche, non humidifiée ? Les dents, quelles dents ? Le dentier, ses avantages, ses contraintes, sa représentation. L’alimentation, l’hydratation, comment, quand et pourquoi ? Et si l’on boit, le « chemin » continue. Pour les personnes âgées qui ne peuvent se mobiliser convenablement vient alors le problème de l’incontinence éventuelle. Aider à aller aux toilettes, pour ne pas faire n’importe où (culotte ou couches), c’est aussi favoriser l’hydratation. Boire un verre d’eau, c’est boire dans un verre propre, sur une table propre et dans un environnement propre. ………….. Je ne sais si ces projets verront le jour définitivement. C’est sans doute un parcours difficile de la part de tous, pour tendre vers une bientraitance des personnes âgées. Apport des bénévoles d’accompagnement I - Bientraitance et enrichissement de l’environnement humain : l’accompagnant bénévole Julia SOUILLAC L’affiche de l’ASP dit : « Rien n’est pire que l’indifférence ». Si nous nous retrouvons au chevet des malades, c’est parce qu’un jour cette indifférence nous a fait mal. Nous découvrons alors avec le temps, jusqu’à quel point une présence, une écoute accueillante appellent la bientraitance de l’entourage, même familial. Ces gestes simples, en donnant de la valeur à la personne malade, la révèlent et incitent également les autres à se pencher vers elle, dans un geste naturel, presque « en suivant le mouvement ». Tel un fils, qui, tout en demandant anxieux : « Comment faites-vous ? », ose enfin prendre la main de son père, ébauche un geste de tendresse, inconnu jusqu’alors. Progressivement, ils se rencontrent. La maladie devient plus légère. Madame L, ne se manifeste jamais, murée dans son silence, blottie dans un coin de sa chambre, immergée dans son univers personnel. La surveillante la confie à l’équipe de bénévoles. L’accompagnement commence doucement afin de ne pas brusquer Madame L. Son premier regard se fait attendre longtemps. Il nous envoie alors toute sa détresse et sa lassitude. Peu à peu, elle commence à toucher la main tendue. La prend enfin. Un jour, elle la porte à sa joue. Plus tard encore, elle permet et appelle une légère caresse. Madame L commence, peut-être, à croire qu’on peut être là uniquement pour elle, qu’elle compte effectivement. Maintenant elle existe aussi pour les autres. Ses voisins du « petit salon » ont les yeux fixés sur elle, quand une bénévole l’accompagne. Les soignants guettent ses réactions, nous demandent de ses nouvelles. Sa souffrance d’ « être omise » semble s’apaiser. II - Des gestes simples qui témoignent du souci de bientraitance Anne Marie DANIEL …..Quelques témoignages de bientraitance recueillis auprès de l’équipeASP des Abondances, au cours de leurs accompagnements. · Un simple regard, « vrai », croisant le regard d’un malade pour lui communiquer ce que peut partager le bénévole, en présence d’un état très dégradé ; · A contrario, ne pas « voir »certaines manifestations de cette dégradation (vêtements trempés d’urine ou constellés de rejets alimentaires….vêtements dans lesquels le malade se mouche) · Une simple pose d’une main sur celle d’un malade, sans parole, peut être la marque d’un partage fort. · Pour un malade « confus », l’accompagner dans cette confusion, sans chercher à le ramener dans une conscience…vaine. · Prendre le temps d’ « entendre » une souffrance physique ou psychique, avec l’humilité de la grande incertitude de l’efficacité…. · Recouvrir un malade qui s’est dénudé, sachant que ce geste serait, peut-être, à renouveler l’instant suivant : témoignage d’une dignité redonnée pour un court moment… · Essuyer délicatement des perles de sueur sur le front d’une malade · Aider, doucement, une malade « agitée » qui risque de s’étrangler en voulant enlever un chandail. · Malade criant sur le seuil de sa chambre et qu’une bénévole parvient à ramener dans sa chambre en lui parlant tout doucement. · Prendre le temps « d’expliquer » par exemple, la nature de bruits (en l’occurrence des travaux) inquiétant un malade. · Fermer une fenêtre ouverte un peu longuement pour aérer une chambre et qui risque de faire prendre froid à un malade. Conclusion générale Parvenir à une mieux traitance des personnes âgées nécessite dans un Etablissement l’adhésion de tous les intervenants à une même éthique dans un esprit d’estime réciproque et de complémentarité. C’est ce que cette présentation cherche à refléter. |