Sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès à la demande du patient (loi du 2 février 2016). Nathalie Michenot, CH Versaille

 

Nathalie Michenot. Rencontre autour des soins palliatifs en Île-de-France. CRSA 5 octobre 2017.

La sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès est un nouveau droit pour le patient, créé par la loi du 2 février 2016 : le droit à être mis dans un état de sommeil profond continu, provoqué par des moyens médicamenteux, pour éviter de souffrir avant de mourir.

En fin de vie, le recours à la sédation est parfois nécessaire pour obtenir un soulagement du patient. Il s’agit d’une pratique de dernier recours lorsque toutes les tentatives de soulager le patient ont échoué. Si la pratique de la sédation en soins palliatifs est rapportée dans la littérature dès 1990, les pratiques ont depuis évolué. En France, selon la SFAP[1], il s’agit de rechercher, par des moyens médicamenteux, une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience (coma provoqué), dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les autres moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre le soulagement escompté.

En situation palliative, les pratique sédatives diffèrent selon les situations rencontrées :

– en cas de souffrance réfractaire, physique ou psychique, vécue comme insupportable par le patient, une sédation proportionnée au soulagement obtenu est réalisée. Elle est potentiellement réversible en fonction de l’évolution clinique.

Lorsque la mort est proche, une sédation profonde continue peut être instaurée, et maintenue jusqu’au décès naturel du patient qui survient dans les heures ou les jours qui suivent. Ce n’est pas la sédation qui provoque le décès mais l’évolution de la maladie.

– en cas de détresse asphyxique ou hémorragique, une sédation profonde est réalisée d’emblée ; elle sera potentiellement réversible en cas d’arrêt de l’hémorragie ou de l’asphyxie, ou non en cas de survenue du décès.

 

Dispositions législatives

Concernant la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès à la demande du patient, que nous dit la loi du 2 février 2016 ?

Afin d’éviter toute souffrance, le patient atteint d’une affection grave et incurable peut demander[2] une sédation profonde et continue jusqu’au décès, si :

  • son pronostic vital est engagé à court terme et s’il présente une souffrance réfractaire aux traitements ;
  • sa décision d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable. Par exemple, un patient peut décider de l’arrêt d’une assistance respiratoire, une sédation profonde est alors mise en place pour éviter toute sensation d’asphyxie, sédation qui sera maintenue jusqu’à la survenue du décès qui va intervenir en raison de l’arrêt de cette suppléance vitale.

La loi précise que cette sédation doit être associée à un traitement contre la douleur (il s’agit d’être certain que le patient ne souffrira pas) et à l’arrêt des traitements de maintien en vie.

La loi demande qu’une procédure collégiale soit instaurée pour pouvoir décider d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Il s’agit d’une concertation entre le médecin en charge du patient, les membres présents de l’équipe de soins et un consultant (un médecin extérieur à l’équipe). Il est essentiel d’être attentif aux questionnements des soignants qui sont au contact du patient. La singularité de chaque situation est au coeur de cette discussion collégiale. Il faudra réaliser une évaluation globale, pluriprofessionnelle et multidimensionnelle car il existe une intrication des aspects physiques, psychologiques, sociaux, familiaux, existentiels et spirituels. Le recours à un psychologue ou psychiatre face à une souffrance existentielle ou psychologique est nécessaire.

Le but de cette procédure collégiale est de vérifier que les conditions prévues par la loi sont réunies :

  • dans la première situation prévue par la loi, il s’agira de s’assurer que la souffrance est réfractaire et le pronostic vital engagé à court terme, c’est-à-dire à quelques jours. Si le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, une sédation proportionnée au besoin de soulagement sera discutée avec le patient et revue selon l’évolution ;
  • dans la deuxième situation prévue par la loi, il faudra évaluer si l’arrêt du traitement demandé par le patient est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable et engage son pronostic vital à court terme.

Avant toute mise en œuvre de sédation, il importe d’écouter, de comprendre et d’analyser la demande du patient. Quand le patient demande une sédation, que désire-t-il réellement ? Une patiente dira : « Ah, on fait ça maintenant ? Je préférerais en fin de semaine…. là j’ai prévu de voir des amis » ; une autre patiente confiera : « Je suis trop endormie ». Le patient est libre de changer d’avis. Sa demande est à accueillir, à respecter et à entendre pour permettre un cheminement.

Mise en oeuvre

La mise en œuvre doit suivre les bonnes pratiques cliniques et les recommandations professionnelles :

  • recommandations de la SFAP de 2010 ;
  • fiches repères SFAP 2017 (disponibles sur le site de la SFAP) :
    • pronostic court terme (Repères pour évaluer un pronostic engagé à quelques jours) ;
    • souffrance réfractaire (Seul le patient peut juger du caractère insupportable de sa souffrance) ;
    • mise en œuvre médicamenteuse ;
  • travail de la Haute autorité de santé en cours (disponible d’ici fin 2017; début 2018).

La mise en œuvre doit pouvoir se faire à l’hôpital et à domicile sous réserve de la disponibilité des médicaments (fournis via le système de la rétrocession par la pharmacie hospitalière) et sous réserve de la continuité des soins (proches au domicile, présence du médecin et des soignants qui demeurent joignables et disponibles).

Des temps de réunion et d’échanges sont organisés avec les soignants pour les informer sur les motivations de la sédation, les modalités pratiques de réalisation et aussi pour lever les incompréhensions.

Patients et proches

Une discussion pour évoquer la possibilité d’une sédation en réponse aux craintes du patient peut parfois avoir lieu. Ainsi, un patient souffrant d’insuffisance respiratoire au stade terminal qui demandait une euthanasie de peur de mourir étouffé, sera rassuré de savoir une sédation possible en cas de crise asphyxique ou si la situation devenait insupportable pour lui. Le patient a besoin d’informations adaptées afin d’obtenir les éclairages indispensables sur sa situation clinique, les modalités pratiques de réalisation de la sédation et ses conséquences. Les souhaits du patient seront recueillis pour sa prise en soins une fois sédaté.

Les entretiens du patient avec le médecin pourront se faire en présence de sa personne de confiance, si elle est désignée, et/ou de sa famille pour un meilleur partage des informations et des ressentis de chacun.

Les temps d’échange avec les proches et la personne de confiance sont nécessaires pour expliquer la situation, la décision de sédation et les soins qui seront apportés. Les proches doivent être accompagnés. En effet, la perte de la communication pose la question du sens et de la continuité de la relation vécue jusque-là. Il est important de laisser la possibilité aux proches de participer à certains soins (soins de bouche, coiffage, massage …), de partager des moments de présence en favorisant des atmosphères paisibles dans la chambre (avec par exemple de la musique, un éclairage adapté), de rester dormir, etc… Les enfants peuvent prendre part à leur façon (dessin, peinture, histoire…).

Traitements et soins

Pour réaliser une sédation, le midazolam est le médicament le plus souvent utilisé en raison d’une durée d’action courte permettant des réveils. L’utilisation de médicaments à plus longue durée d’action est une option dans la mesure où le réveil n’est pas envisagé.

Seuls seront poursuivis les soins et les traitements visant à assurer le meilleur confort possible (notamment un traitement antalgique adapté).

Au cours de la sédation, les soins corporels et l’attention prêtée à la personne permettent de la maintenir dans sa place de sujet. Le fait de toucher la personne, de s’adresser à elle, de prendre soin d’elle, de respecter son intimité, sa pudeur, ses habitudes, signifie qu’elle est bien vivante, dans le lien et dans la continuité de son existence. Pour le patient il s’agit d’accepter de confier son corps entre les mains des soignants. les soins du corps prodigués à la personne sédatée découlent d’une alliance bienveillante entre soignant-soigné : « je vous laisse mon corps pour quand je n’y serai plus ; j’ai décidé de vous faire confiance ».

 

[1] Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs.
[2] Ce n’est pas la demande de la famile mais bien la demande du patient.