Retours de bénévoles sur le congrès SFAP de Tours.

Plusieurs des bénévoles ayant assisté au congrès de Tours nous ont transmis  les points forts pour eux de cette conférence.
Vous trouverez ci-dessous deux d’entre eux qui permettront à ceux qui n’ont pas pu y assister d’avoir les éléments marquants de cet évènement.

Deux intervenants ont particulièrement marqué tous les participants :
celles duProfesseur François Goldwasser et Pierre Moulin et bien sûr les interventions des membres de l’ASP : Agnès, Marie, Marie-Louise.

Merci à eux pour leur retour et bonne lecture à vous tou-te-s.

Agnès:————————————————————
Françoise:

« Je tiens à envoyer un petit mot sur ce beau congrès qui s’est tenu à Tours fin juin.

Bien organisé, intéressant, avec des interventions plus brillantes que d’autres, ce qui est inévitable…

Il s’est tenu dans le beau palais des Congrès « Le Vinci », à 2 pas de la gare et en plein centre ville. Tours est une belle ville que vous connaissez sans doute. Vieux quartiers pittoresques, la splendide place Plumereau et ses maisons à colombages, la cathédrale, et les quais de Loire qui ne laissent pas indifférents…

Le clou a été la réception à l’Hôtel de ville, le samedi soir. Que dire ? La grande salle fait songer (en plus modeste ) à la Galeries des Glaces de Versailles, une merveille. On nous y a servi un buffet de roi (région oblige) pendant que des personnages, en costume d’époque, (François 1er), nous exécutaient danses et quadrilles. Bien traités donc, comme vous le lisez !

Mais il est temps que j’en vienne à l’essentiel, à savoir aux interventions qui m’ont particulièrement intéressée.

Plénières

J’ai particulièrement apprécié l’exposé du Professeur François Goldwasser, chef de service de Cancérologie à l’hôpital Cochin, qui explique que « la cancérologie de la maladie métastatique ne pourra plus désormais se réduire « aux spécialités de la maladie » et devra reposer sur une nouvelle pluridisciplinarité onco-palliative. » Je trouve intéressant de vous livrer ici une partie de son exposé qui va tellement dans le sens de ces soins que nous défendons !

Les soins palliatifs vus par un cancérologue : où en sommes-nous ?

François Goldwasser, chef du service de Cancérologie, chef du pôle Spécialités médico-chirurgicales et cancérologie, Hôpital Cochin, Paris

« Cancérologie et soins palliatifs se sont d’abord définis par l’opposition des contraires. La cancérologie a été créée pour s’opposer à l’évolution clinique des cancers, et idéalement les éradiquer. Elle se définit comme une spécialité « de lutte contre le cancer », expression reprise pour parler des « centres de lutte contre le cancer » en France. Aujourd’hui, le soin palliatif est un soin dont la pertinence est devenue évidente en cancérologie. Les jeunes cancérologues choisissent la spécialité d’oncologie médicale pour guérir les patients atteints de cancer mais font vite le constat que les lits sont principalement occupés par des patients dont le cancer n’est pas curable, que beaucoup décèdent durant leur semestre de stage, et que l’essentiel du temps d’un oncologue médical n’est pas dédié à guérir des malades. Les internes en cancérologie expriment clairement que ce sont les personnes hospitalisées en situation palliative, les décès, les entretiens avec les familles, qui constituent la principale difficulté en débutant l’internat de cancérologie. Le besoin d’une expertise clinique de recours face à la souffrance humaine dans toutes ses dimensions, à la gestion des manifestations cliniques symptomatiques, et à la fin de vie, est une évidence acquise pour les cancérologues. Le progrès médical en cancérologie impose un changement de paradigme profond pour les cancérologues et pour les équipes de soins palliatifs en quittant la coupure curatif/palliatif au profit de la maladie cancéreuse évolutive nécessitant une médecine intégrée qui repose sur les deux expertises cliniques et non une seule, même matinée de la culture de l’autre. La transformation sera lente et douloureuse pour certains égos, mais indispensable. De même que la cancérologie curative exclusivement chirurgicale des années 70 a dû évoluer vers une cancérologie pluridisciplinaire intégrant les cancérologues.

La cancérologie de la maladie métastatique ne pourra pas se réduire « aux spécialités de la maladie » et devra reposer sur une nouvelle pluridisciplinarité onco-palliative. Ainsi, paradoxalement, alors que les cancérologues peuvent se réjouir des améliorations pronostiques, le besoin de l’expertise palliative n’a jamais été aussi fort :

Changement de temporalité, discussions anticipées, discussions pronostiques, respect du principe d’autonomie, proportionnalité des soins, arrêt des mesures invasives, et directives anticipées réclament l’expertise et le savoir-faire de l’équipe de médecine palliative beaucoup plus tôt et plus longtemps qu’auparavant. C’est désormais prouvé et c’est désormais une recommandation internationale admise par l’association américaine des oncologues médicaux (ASCO) (1-3). »

Ateliers

Deux m’ont tout particulièrement intéressée.

  1. Les soins palliatifs en situation carcérale. En voici un compte-rendu.

Les soins palliatifs en prison

Par Aurélie Godard-Marceau, docteur en Sociodémographie,CHU de Besançon.

Chaque année, une centaine de détenus meurent des suites d’une maladie grave dans les prisons françaises ! Voilà qui soulève des problèmes d’ordre médical, juridique et éthique. Quelle est la possibilité pour ces détenus d’accéder aux soins palliatifs ? Où les en faire bénéficier ?

La loi du 4 mars 2002 introduit la possibilité pour les détenus gravement malades, avec éventuellement un pronostic vital engagé, de finir leur vie hors de la prison. Mais il faut savoir que tous n’y accèdent pas. Pour motifs médicaux, sociaux, familiaux, il arrive que le magistrat refuse la sortie de prison. Il arrive aussi que le détenu lui-même, socialement isolé, ne souhaite pas sortir de prison. Dans ces cas-là, la personne gravement malade ou en fin de vie, sera suivie en détention.

Accompagner ces patients depuis longtemps « à part » n’est pas chose facile. L’incarcération isole les personnes et rend difficile tout accompagnement global.

Pourtant, quand la mort approche, et qu’apparemment elle aura lieu en prison, les soignants et le personnel pénitentiaire font tout pour que, malgré le manque de liberté, le patient ait une fin plus digne et moins solitaire. On essaie de ménager une place à la famille si celle-ci est toujours présente.

Ces aménagements sont toujours des pis-aller. Tous les professionnels impliqués ont insisté sur le fait qu’il leur semblerait préférable que les détenus ne meurent pas à l’intérieur de la prison. Car mourir en prison questionne le but de la peine. Le but de l’emprisonnement est la punition certes, mais aussi la réinsertion. Mourir emprisonné semble alors un non-sens. Il ne semble donc pas souhaitable d’institutionnaliser les soins palliatifs en prison. La question reste donc posée et entière : comment et où accompagner la fin de vie des détenus ?

  1. La mort en EHPAD

C’est à l’EHPAD Cousin de Méricourt que je suis bénévole, et que le sujet m’intéresse tout spécialement …

Je relèverai ce petit passage de Catherine Le Grand-Sébille, socio-anthropologue.

But et contexte

« Face au constat d’une mort souvent dérobée, rendue invisible, non parlée, non sue, dans cette grosse institution pour personnes âgées plus ou moins dépendantes, la volonté des professionnels de changer les manières de faire et d’être, s’est mue en désir favorable à l’action. Un désir de créer : des temps de rencontre réguliers pour les référents, des lieux de commémoration dans chaque résidence, des contacts avec les familles, les pompes funèbres, les représentants des différents cultes pour parler ensemble de ce que l’on fait autour de la mort, mais aussi de ce que l’on cache. »

En somme, sans traumatiser ceux qui « restent », ne pas faire comme si de rien n’était quand un résident meure. On imagine ce qui peut se passer dans les esprits si l’on compare à l’effet que produit sur nous le face à face avec une porte soudain close et sans plus de nom indiqué alors qu’on n’a pas été prévenus…

Une mention spéciale pour Marie-Louise Brillard qui a fait une très émouvante intervention, nous relatant la mort de sa mère en EHPAD, et la demande qu’elle avait faite à ce moment-là de l’application de la loi de 2016 sur la fin de vie. C’est ainsi que la demande ayant été entendue, Madame B. a pu s’éteindre doucement et « s’échapper ainsi de son corps déglingué par la maladie d’Alzheimer ».

Je cesse ici mon témoignage sur le Congrès car….il me semble qu’il en est temps ! Place aux autres ! »

Françoise


Anne

Chers amis,

Voici quelques impressions sur  ce premier congrès auquel j’ai été très heureuse de participer même si certaines interventions m’ont un peu moins intéressée que d’autres. L’organisation était bien rodée et la ville de Tours nous a réservés un très bon accueil. Et j’ai apprécié également la place réservée aux bénévoles. Voici quelques notes sur des communications qui m’ont particulièrement marquée.

1 – Les fins de vie jugées difficiles pour les soignants  – Elodie Sâles et Stéphane Bourrez, psychologue et cadre de santé à Sainte Périne : pas de cas cliniques relatés mais des constatations : le plus souvent, ces difficultés vécues par les soignants concernent : les personnes jeunes, les pathologies « compliquées » (SLA & CJ)avec des séjours en rotation, une durée de séjour supérieure  à 30 j ou des séjours de répit avec RAD complexes à mettre en place.

Et la conclusion semble être que tout est déjà dans le dossier d’admission…

 

2 – Un autre regard sur le bénévolat – Pierre Moulin – Sociologue

Dans les années 1980, l’accompagnement est au coeur du palliatif.

A partir des années 1990, c’est une hégémonie médicale qui se met en place avec relégation des bénévoles au second plan.

Actuellement,  la « durée de vie » moyenne des bénévoles en SP est d’environ 5 ans.

Et de nouvelles notions deviennent essentielles pour le bénévole : le plaisir et le soin relationnel. Cela entraîne un manque de créativité et de folie.

Comment poursuivre ?

Avec de l’humour, de la clairvoyance,  en renforçant l’estime de soi, en vivant en pleine conscience l’instant présent après une authentique initiation, en soignant ses culpabilités etc…

Mais les risques majeurs pour le bénévole restent la fatigue et le doute !

 

Dr Gaelle Lenclud – La désubjectivation du patient en fin de vie par ses proches

Ou de l’usage du glissement sémantique en SP, en parlant du proche en fin de vie comme étant un légume, traité comme un chien, un déchet,  etc.

Cette façon de l’objectiver, est-ce pour mieux le jeter ou, pour être moins brutal, pour anticiper le désengagement ?

Peut-on soupçonner une tendance sociétale actuellement ?

Et que penser de la fameuse T2A qui induit qu’un séjour en SP inférieur à 4 j ou supérieur à 12 jours n’est pas rentable.

Pour le patient, cela se traduit par un effacement de soi. Il ne se reconnaît pas et éprouve parfois de la honte, en entendant des phrases telles que « Ça n’est plus lui »,

« Faites le dormir »…

Cette désubjectivation est-elle le reflet d’une confusion sociétale,  un souhait de mort déguisé, une idéalisation du mourir, un désir de confort, un effacement avant l’heure, un promothéisme du dernier temps de la vie ?

Quelques idées :

– Intervention de Pierre Moulin, écoutée au printemps dernier au CEFAMA, sur la sociologie de la douleur.

– La méditation de pleine conscience pour enrichir ensuite la qualité de présence auprès des patients.

Cf, l’exposé de Pascale Nau et, surtout, les travaux de Fabrice Midal et de John Kabt Zinn.

A noter, la nécessité de s’entraîner régulièrement pour apprivoiser nos émotions,  s’accepter tels que nous sommes et pouvoir s’ouvrir à une autre dimension et un engagement personnel.

Une interrogation sur la nécessité pour le bénévole de couper les ponts, après le changement de service, le RAD ou le décès d’un patient. Pour les familles,  c’est une rupture de plus. N’y a-t-il pas une possibilité de passer la main en douceur, de créer un binôme de quelques jours, un partenariat avec une association comme Empreinte par exemple ?

Le témoignage de Chantal Courtaux montrait bien le bénéfice reçu par le patient et sa famille lorsque la bénévole a  suivi le malade du domicile jusqu’à l’USP.

Voili, voilà. J’espère que mon topo vous sera utile et je vous souhaite un bon été reposant et tonifiant.  »

Hélène