Favoriser le développement et la diffusion de la culture palliative. Christophe Devys, Directeur Général de l’Agence régionale de santé Ile-de-France

Christophe Devys, Directeur Général de l’Agence régionale de santé Ile-de-France, a prononcé l’allocution d’ouverture des Rencontres autour des soins palliatifs en Ile-de-France et insisté sur la nécessité d’engager trois mouvements : « développer l’offre, nous approprier le cadre de la loi, nous appuyer sur un collectif ».

« Parler des soins palliatifs nos renvoie aux confins de la vie, interroge chaque être dans son éthique, ses croyances, ses souffrances et il interroge aussi les institutions dans notre capacité à agir collectivement. C’est tout sauf un sujet anodin.

Chateaubriand disait : « Dans la progression des lumières croissantes, nous paraitrons nous-même des barbares à nos arrière-neveux ».

Cette pensée, qui a plus de deux siècles, fait écho à nos préoccupations contemporaines, tant il est vrai que l’état d’avancement d’une société peut se juger au soin que l’on apporte aux personnes en fin de vie.

Aujourd’hui bien souvent, face à une maladie au pronostic irréversible le patient, l’aidant ou le professionnel de santé, se retrouve seul. Seul avec son désarroi, ses questions, sa conscience et ses propres limites.

Limites médicales : poursuivre un traitement… oui mais jusqu’où… ? S’obstiner… ou pas… ? Limites de législateur : autoriser… dans quel cadre ? Interdire… jusqu’où ? Pour la famille, les proches : donner son accord… ? Sur quoi exactement…? Qui se sent de prendre des décisions … ? Le patient lui-même : c’est compliqué, comment l’interroger ? Recueillir ses volontés ? Veut-il vraiment savoir ? Comprendre ? Décider ?

Aujourd’hui encore, en Ile-de-France, plus de la moitié des personnes qui pourraient potentiellement bénéficier des soins palliatifs ignorent ou ne savent pas comment y accéder. Il est pourtant avéré qu’une prise en charge en palliative offre la possibilité d’une fin de vie digne et apaisée en apportant un réel soulagement aux patients qui en bénéficient et un précieux soutien à leurs proches.

Il faut bien l’avouer le sujet nous dépasse tous, citoyens comme législateur, patient comme médecin. Pour faire bouger les lignes, pour que chacun puisse potentiellement accéder aux soins, il nous faut créer un mouvement.

C’est collectivement, collégialement, par nos efforts croisés que nous pourrons faire évoluer la situation des patients en fin de vie. Nous devons en fait engager trois mouvements : développer l’offre, nous approprier le cadre de la loi, nous appuyer sur un collectif.

L’appui d’un collectif

En tant que directeur général d’ARS, je veux favoriser le développement et la diffusion de la culture palliative pour qu’elle entre dans les mœurs et s’enracine dans les pratiques professionnelles : afin de ne pas vous laisser seuls, de ne plus les laisser seuls.

La diffusion d’une nouvelle culture comme tous les changements culturels ne se décrète pas, on peut l’appeler de ses vœux, mais pour qu’ils prennent forme, il faut l’adhésion du plus grand nombre.

Il faut du temps et surtout l’engagement, la conviction et le courage d’hommes et de femmes comme vous, qui œuvrez au quotidien au service des patients en fin de vie.

Le cadre de la loi

Les discussions autour de la fin de vie s’inscrivent dans de lourds débats de société. Certains historiens comme Philippe Ariès y ont vu un nouvel état d’esprit de nos contemporains et une attitude distante vis-à-vis de la mort. Au risque de déplaire à certains, il nous faut arrêter d’opposer, comme on l’entend parfois, euthanasie et soins palliatifs. La seule question à se poser est celle d’une vie digne et consentie, d’une mort digne et accompagnée.

Depuis une quinzaine d’année la législation sur la fin de vie a beaucoup évolué, ses évolutions récentes donnent sinon des réponses en tout cas des repères. Elles accompagnent la volonté croissante de l’opinion qui va dans le sens du libre choix.

Dix ans après la loi Léonetti, la loi du 2 février 2016 vient renforcer les droits du malade notamment en fin de vie. Elle aborde la question de la place du patient dans le processus décisionnel, la prise en compte et la mise en œuvre de la sédation continue et profonde jusqu’au décès et la lutte contre l’obstination déraisonnable.

Il nous faut tous nous approprier pleinement les termes de la loi pour pouvoir mieux informer les patients et les accompagner dans leur démarche de réflexion et de choix.

Renforcer l’offre

Que tout le monde ne puisse pas avoir accès à des soins palliatifs est aujourd’hui inacceptable. C’est pourquoi l’Agence poursuit depuis sa création des efforts conséquents pour améliorer la couverture du territoire en développant les prises en charge de proximité à domicile et en établissement, en créant des équipes mobiles de soins palliatifs et des unités de soins dédiées dans les territoires non pourvus. Dorénavant les efforts de l’Agence doivent aussi porter sur plus de coordination entre tous les dispositifs existants et sur une aide à leur fonctionnement. Ceci afin d’assurer un parcours patient de qualité.

Je tenais à être près de vous, en cette journée importante d’échange où il est question de vie, de mort, de dignité, de paix et d’humanité.

Les travaux qui jalonnent cette journée, témoignages, présentations et table ronde sont autant d’éléments forts qui participent de cet étayage culturel que je m’efforce de promouvoir.

Je tiens à remercier la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) sous l’égide de laquelle est placée cette rencontre et à souligner l’importance des instances de démocratie sanitaire dans la progression des débats qui concernent la prise en charge des personnes en fin de vie.

Je tiens à saluer les associations de bénévoles qui œuvrent dans les établissements auprès des malades et de leur famille. Votre rôle est essentiel et parfois trop méconnu au sein des établissements.

Merci aux professionnels de santé pour votre dévouement et votre implication. Demain, il faut que vous soyez plus nombreux encore à être formés aux soins palliatifs. Il est aujourd’hui nécessaire d’avoir dans chaque établissement et chaque service des professionnels qui soient formés à une prise en charge palliative qui englobe le soin au patient et le soutien à sa famille. »