État des lieux et perspectives en soins palliatifs en Île-de-France. Dr Elisabeth d’Estaintot, référente soins palliatifs, ARS Ile-de-France

Dr Elisabeth d’Estaintot, référente soins palliatifs, ARS Ile-de-France. Rencontre autour des soins palliatifs en Île-de-France.  CRSA 5 octobre 2017.
L’offre francilienne pour la prise en charge des soins palliatifs est à la fois riche et diversifiée. Et en termes de perspectives, l’Agence régionale de santé (ARS) affiche la volonté de consolider le dispositif de l’offre de soins, de donner davantage de visibilité aux soins palliatifs, de poursuivre l’acculturation à la démarche palliative et enfin de poursuivre le travail entrepris pour favoriser le maintien à domicile des patients et l’amélioration de leur parcours.

Les dispositifs pour la prise en charge des soins palliatifs en Île-de-France sont nombreux et variés, avec cependant quelques disparités territoriales notamment en ce qui concerne les capacités en lits. La démographie médicale – de nombreux postes de médecins sont vacants dans notre région – rend parfois difficile le fonctionnement de ces structures.

En termes d’offre, des dispositifs sont organisés pour permettre des interventions au domicile des patients, d’autres sont spécialisés et localisés dans des établissements de santé appartenant à la catégorie « médecine, chirurgie, obstétrique » (MCO) ou « soins de suite et réadaptation » (SSR). Enfin, certains peuvent intervenir au domicile et en établissement de santé : c’est le cas de l’équipe ressource régionale de soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP) Paliped et des associations de bénévoles accompagnants en soins palliatifs et deuil.

Paliped travaille en lien étroit avec le réseau d’Ile-de-France d’hématologie et d’oncologie pédiatrique (RIFHOP) et répond aux missions confiées aux Equipes Ressources en soins palliatifs : acculturer les équipes traitantes pédiatriques à la démarche palliative ; sensibiliser les équipes de soins palliatifs aux spécificités des prises en charge pédiatriques ; s’assurer de la prise en charge de l’entourage des enfants ; mettre en œuvre des actions de formation et contribuer à la recherche clinique dans le domaine des soins palliatifs pédiatriques.

Paliped intervient donc en établissement MCO ou SSR auprès des équipes pédiatriques ou des équipes mobiles de soins palliatifs adultes. Au domicile ou substitut du domicile, Paliped travaille directement auprès des équipes soignantes de l’hospitalisation à domicile (HAD), notamment avec l’HAD de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), ou de celles des établissements médico-sociaux. L’intervention peut aussi se faire auprès des enfants et de leurs parents, toujours en lien avec les équipes soignantes.

Au cours des cinq dernières années couvrant le premier plan régional de santé (PRS), l’Agence régionale de santé Ile-de-France (ARS IDF) a renforcé financièrement cette équipe. S’agissant des équipes de bénévoles accompagnants en soins palliatifs et deuils, l’ARS IDF est particulièrement vigilante à faire respecter la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs lorsque les établissements demandent l’obtention de reconnaissances contractuelles concernant les soins palliatifs. En effet, cette loi (cf. Circulaire DHOS/O2 n°2008-99 du 25 mars 2008 relative à l’organisation des soins palliatifs) stipule que de manière règlementaire, les établissements disposant d’unités de soins palliatifs (USP) ou de lits identifiés de soins palliatifs (LISP) doivent passer des conventions avec des associations de bénévoles accompagnant en soins palliatifs. Ces derniers peuvent donc visiter les patients dans les différents services. A la demande du patient ou des familles, ils peuvent aussi se rendre à domicile. L’ARS IDF souhaite aussi promouvoir l’action des associations qui accompagnent le deuil pour accompagner cette étape et prévenir notamment le suicide de proches du défunt.

Le domicile ou substitut du domicile 

Il existe à l’heure actuelle 14 structures d’hospitalisation à domicile (HAD), dont 10 prennent en charge les soins palliatifs à domicile.

Sur l’ensemble des prestations réalisées en HAD, les soins palliatifs représentent en volume la deuxième modalité de prise en charge principale (MPP) (1ère MPP : pansements complexes ; 3ème MPP : cancérologie).

L’instruction de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du 4 décembre 2013 a fixé pour le taux de recours à l’HAD une cible de 30 à 35 patients par jour pour 100.000 habitants à horizon 2018.

Depuis cinq ans, l’ARS IDF travaille pour couvrir l’ensemble des territoires en Ile-de-France par des offreurs d’HAD. Les dernières autorisations accordées ont ainsi permis de mieux couvrir les territoires en grande périphérie dans le nord des Yvelines et en Seine-et-Marne. En 2016, 162.517 journées d’HAD ont été enregistrées contre 153.889 journées en 2014. Le nombre de ces journées doit continuer à s’accroitre.

De même, il a été rappelé aux HAD que leur périmètre d’intervention s’étendait aussi au substitut du domicile à savoir les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et autres structures médico-sociales. Leur intervention dans ces établissements est en augmentation.

Par ailleurs, à la différence d’autres régions, l’Île-de-France est riche en réseaux de soins palliatifs puisque 22 réseaux couvrent l’ensemble du territoire. Ceux-ci ont un fonctionnement particulier puisqu’ils peuvent exercer à domicile une mission d’expertise en se déplaçant auprès du patient en lien avec le médecin traitant de ce dernier.

Comme l’ensemble des réseaux, leur organisation, dans le cadre des orientations nationales sur les évolutions attendues sur les réseaux de santé, est en cours de modification. En effet, L’ARS IDF travaille à l’application des recommandations du guide méthodologique intitulé « Améliorer la coordination des soins : comment faire évoluer les réseaux de santé ? », adressé par la DGOS aux ARS en octobre 2012. Ce guide préconise, entre autres, l’installation de plateformes au minimum tri-thématiques regroupant les réseaux de soins palliatifs, de gérontologie et de cancérologie. Le fonctionnement de ces plates formes reste encore à perfectionner. 16 réseaux de soins palliatifs sur la région Île-de-France ont actuellement intégré des plateformes tri-thématiques ou pluri-thématiques.

En termes de fonctionnement, des complémentarités entre réseaux et équipes mobiles de soins palliatifs sont en expérimentation afin de pouvoir assurer la couverture d’un territoire et répondre à l’ensemble des besoins en soins palliatifs de ce dernier.

Les professionnels de santé libéraux peuvent aussi intervenir en cas de soins palliatifs, mais de manière non spécifique puisqu’ils se déplacent pour la prise en charge de l’ensemble des pathologies présentées par les patients. La diminution du nombre de médecins généralistes et leur mode de travail rend beaucoup plus difficile la visite à domicile dans certaines zones.

Par ailleurs l’acculturation aux soins palliatifs doit se poursuivre au sein des professionnels de santé libéraux. Des expérimentations sont actuellement en cours pour mettre en place des services de soins infirmiers à domicile renforcés (SSIAD) et pour augmenter la présence d’infirmières libérales en EHPAD la nuit.

L’établissement de santé

Selon la complexité de la situation clinique, les patients relevant de soins palliatifs peuvent être hospitalisés soit dans un lit standard de spécialités médicale ou chirurgicale, soit dans ces mêmes services mais dans un lit identifié de soins palliatifs (LISP), ou dans une unité spécialisée de soins palliatifs (USP).

Ces cinq dernières années, l’ARS IDF a travaillé à réduire les inégalités territoriales en termes d’équipement et 4 USP supplémentaires ont été autorisées, trois dans le département de la Seine-et-Marne, jusqu’alors totalement dépourvu, dont une dans un établissement privé ; et la quatrième dans le nord des Yvelines à Meulan les Mureaux.

Au 1er octobre 2017, il existe au total 28 USP pour 486 lits répartis sur l’ensemble de la région Île-de-France, entre deux et six unités par département ; la plus petite comptant 7 lits, la plus importante comptant 80 lits (située à Paris). En taux d’équipement par lits d’USP pour 100 000 habitants, le département le plus doté est Paris, les moins dotés sont la Seine-Saint-Denis, la Seine-et-Marne et le Val d’Oise.

S’agissant de ces USP, leur taux d’équipement en lits doit être pondéré par celui des lits identifiés MCO et SSR en soins palliatifs que l’ARS s’est aussi efforcée de mieux repartir. Pour améliorer la qualité de la prise en charge, il a été systématiquement demandé d’installer une capacité minimale de 3 à 4 lits au sein d’un même service, au regard de la tarification à l’activité (T2A) accordée au séjour devant permettre d’affecter plus de personnel sur ces lits.

Sur ces cinq dernières années, le nombre de LISP a été augmenté d’une centaine. Ces LISP sont présents dans les établissements quel que soit leur statut. Au total, 99 sites disposent de LISP MCO et /ou SSR pour un total de 836 lits. Il existe des lits identifiés de soins palliatifs SSR et MCO adultes et pédiatriques.

Depuis 2008, il n’y a pas eu d’augmentation de LISP en SSR, aucune dotation annuelle de financement (DAF) supplémentaire n’ayant été fléchée sur ce secteur.

En taux d’équipement pour 100.000 habitants, le département le mieux pourvu est le Val d’Oise, y compris pour la pédiatrie. Paris arrive en deuxième position. La Seine et Marne, les Yvelines, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne affichent quasiment les mêmes taux. Arrivent en dernier avec la même couverture le département de l’Essonne et celui de la Seine Saint- Denis.

Une prise en charge de qualité sur des LISP ne peut avoir lieu que si le personnel est formé aux soins palliatifs et s’il peut avoir recours à l’expertise d’une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) ou d’un réseau de soins palliatifs ; ce qui pose la question du fonctionnement de ces LISP en établissement privé MCO.

De même sur les cinq dernières années, l’ARS s’est attachée à augmenter le nombre d’équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), bien que la région soit déjà bien pourvue. En effet, lors du dernier plan national sur les soins palliatifs, une directive ministérielle précisait, à titre indicatif, la nécessité d’avoir 1 EMSP pour 200 000 habitants ; pour 12 millions d’habitants en Ile-de-France, 60 EMSP seraient donc nécessaires. Il existe au total 73 équipes mobiles de soins palliatifs, 4 équipes mobiles supplémentaires ont été autorisées sur la période du PRS 1 ; une équipe mobile de soins palliatifs pédiatriques sur l’hôpital Robert-Debré travaillant en lien avec Paliped et 3 équipes mobiles de soins palliatifs pour adultes (une dans le val d’Oise ; l’autre en Seine-Saint-Denis et la troisième à Paris). Il a été spécifiquement demandé à ces équipes mobiles de couvrir un territoire et, en complémentarité avec les réseaux de soins palliatifs, d’apporter leur expertise dans plusieurs établissements de leur secteur.

Dans les dispositifs de prise en charge, même si ceux-ci ne sont pas spécifiques, il est difficile de passer sous silence les moyens mobiles d’urgences dépendant des Pompiers et des SAMU, ainsi que les services d’accueil des urgences qui sont bien souvent en première ligne dans le parcours des patients relevant d’une prise en charge palliative. L’ARS va poursuivre le travail engagé pour améliorer la qualité de la prise en charge de ces patients dans ces dispositifs.

Perspectives

Il est prévu un maintien du nombre actuel des USP et la reconnaissance d’une nouvelle USP sur le territoire du Val-d’Oise pour compenser le départ de l’USP de l’hôpital Adelaïde-Hautval dont les lits ont été regroupés avec ceux de l’USP de l’hôpital Bretonneau. Une réflexion reste à mener sur la capacité de ces unités et sur leur organisation.

De même, le nombre d’équipes mobiles de soins palliatifs sera maintenu. Des évolutions potentielles de leur fonctionnement sont à prévoir au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT), notamment en cas de fusion d’établissements avec la mise en place d’équipes territoriales. Demeure la question du renforcement des équipes mobiles de soins palliatifs pédiatriques : une autre EMSP pédiatrique ?

Une enquête devra aussi être menée sur le fonctionnement des lits identifiés de soins palliatifs de manière à restructurer cette offre au regard des besoins et pour y assurer une prise en charge de qualité. Mais surtout il faut poursuivre le travail engagé dans le cadre du plan national de soins palliatifs sur la démographie des professionnels de santé en soins palliatifs.

Visibilité

 Il faut par ailleurs poursuivre les efforts pour améliorer en établissement la visibilité des EMSP et des bénévoles en soins palliatifs auprès des usagers et des soignants et favoriser l’installation de consultations de soins palliatifs au même titre que les consultations douleur et promouvoir les hôpitaux de jour de soins palliatifs en travaillant à l’élaboration d’un cahier des charges régional.

L’ARS reste vigilante à l’intégration de la démarche palliative dans les projets médicaux des GHT en précisant le parcours des patients relevant de soins palliatifs ; ainsi que dans les contrats pluri annuel d’objectifs et de moyens des établissements médico-sociaux.

La conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) d’Île-de-France par l’intermédiaire de sa commission spécialisée, droits des usagers du système de santé (CSDU) doit en lien avec l’ASP fondatrice, poursuivre la formation des représentants des usagers aux soins palliatifs pour qu’ils interviennent en établissement de santé.

Pour anticiper la démarche palliative en cancérologie, l’un des axes forts du PRS 2 sera la mise en place de réunions de concertation pluri-professionnelles (RCP) onco–palliatives avec indicateurs de suivi régionaux.

Il nous faut ensuite poursuivre l’acculturation à la démarche palliative. Compte tenu de la nécessité pour le confort des patients et de leur famille de faire intervenir le plus précocement possible les soins palliatifs dans le parcours de patients, les seuls professionnels experts en soins palliatifs ne pourront pas répondre à toutes les demandes, cet axe d’action est donc primordial.

Les directions d’établissements seront incitées à inscrire systématiquement dans les plans de formation des établissements des formations aux soins palliatifs par équipes soignantes de service, du médecin à l’agent de service hospitalier (ASH), ceci en complément des enseignements donnés par les EMSP.

L’ERRSPP veillera à remplir son travail d’enseignement et de formation pour faire diffuser la culture palliative en pédiatrie auprès des professionnels de santé que ce soit dans les services de pédiatrie, auprès des médecins de soins palliatifs pour adultes, en SSR pédiatriques, en HAD et en établissements médico-sociaux pédiatriques.

Pour aider les soignants non formés au repérage des patients relevant des soins palliatifs, en ville ou en établissement, il faut que chacun s’assure de la diffusion et du partage des outils élaborés entre professionnels des soins palliatifs et autres soignants.

Enfin, l’ARS poursuivra le décloisonnement des structures en favorisant des postes partagés et en adaptant par bassin les territoires d’intervention des professionnels de soins palliatifs. L’expérimentation des infirmières de nuit en EHPAD sera étendue.

Le travail de réflexion concernant l’instauration d’astreintes territoriales de soins palliatifs pour l’ensemble de la région Île-de-France pour répondre aux professionnels de santé et notamment aux urgentistes sera poursuivi pour aboutir à sa mise en place.

L’ARS souhaite enfin que sous l’égide de la coordination régionale de soins palliatifs d’Ile-de-France (CORPALIF), chaque coordination départementale reprenne l’animation territoriale des professionnels de santé des soins palliatifs pour veiller, entre autres, à la coordination des parcours patients.