Soigner et accompagner ensemble. Message de Charles Jousselin Président de la SFAP

Paris, 13 juin 2016.

Chères adhérentes, chers adhérents,

Au chevet de la personne gravement malade, la place et l’activité de chaque professionnel de santé et des accompagnants bénévoles doivent rester distincts et s’enrichir mutuellement. C’est l’interdisciplinarité : soigner et accompagner ensemble.

Cette interdisciplinarité qui est au cœur de nos pratiques n’est pas encore intégrée dans les habitudes culturelles du soin en France. Pour la mettre en œuvre, il faut l’enseigner aussi bien lors de la formation initiale que continue et par compagnonnage. La coordination de cet enseignement et le développement de la recherche devront se faire au sein d’une filière universitaire elle-même interdisciplinaire. C’est-à-dire là où médecins et non médecins sont enseignants et élèves, et où la transmission des bonnes pratiques doit s’enseigner en interdisciplinarité. Le développement et la qualité des soins palliatifs en France dépendent de ces notions fondamentales.

Fort heureusement, celles-ci se trouvent dans le plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie, proposé par la ministre de la santé en décembre dernier : « Afin de faciliter la coordination de l’enseignement universitaire et de développer la recherche, l’enjeu sera d’ouvrir une section ou sous-section du Conseil National d’Université (CNU) d’épistémologie clinique afin de constituer un corps d’enseignants chercheurs médecins et non médecins en charge d’enseignement et de recherche dans le champ des soins palliatifs et de l’accompagnement en fin de vie. La médecine palliative doit en effet pouvoir évoluer dans une dimension à la croisée de la médecine et des sciences humaines et sociales », (Axe 2, mesure 5, action 5-2).

Pour mettre en œuvre les 14 mesures prévues par ce plan, il a été créé un comité de pilotage du plan national 2015-2018 auquel je participe en tant que président de la SFAP. Lors de la dernière réunion de ce comité, le 1er juin dernier, j’ai découvert que les propositions en cours s’éloignaient de ce qui était prévu par le plan, et consistaient à créer une filière universitaire d’épistémologie clinique au sein de la faculté de médecine, dans la section médecine interne.

Craignant l’emprise du savoir de certains médecins dans un tel cadre, l’effet d’aubaine pour nombre d’entre eux au détriment de nominations par exemple d’infirmières et de psychologues, j’ai fait part de mon inquiétude de voir cette filière d’épistémologie s’amalgamer à une filière médicale et perdre ainsi la distance et l’interdisciplinarité nécessaires pour penser le soin.

Pour le président de la SFAP, défendant la place de tous les professionnels de santé au chevet des personnes gravement malades, ne pas résister à un tel projet reviendrait à nier la place des infirmiers, des psychologues, des bénévoles… et le travail en interdisciplinarité.

J’estime qu’il est de mon devoir de résister et de vous en informer. De plus, me semble-t-il, mon attitude permet de rester loyal au projet novateur voulu par la ministre de la santé.

Si les résultats des prochaines élections au sein de la SFAP confirment la confiance que vous m’avez accordée l’an dernier je continuerai de tenir cette position et je proposerai au sein de la SFAP l’ouverture d’une réflexion à ce sujet, plus large, plus ouverte et dans des règles éthiques où la parole de chacun sera respectée, écoutée et si possible entendue.

Soyez assurés de ma détermination et de mon profond attachement au développement de la qualité de l’accompagnement et des soins palliatifs.

Bien cordialement.

Charles JOUSSELLIN
Président de la SFAP