Patients. Le handicap, parlons en !

Le film de Grand Corps  Malade et Mehdi Idir va nous plonger en immersion totale pendant 12 mois dans un centre de rééducation spécialisé en Seine et Marne que connait bien Grand Corps Malade.Avant de prendre son nom de scène, Grand Corps Malade , le chanteur slameur que nous connaissons aujourd’hui, s’appelle Fabien Marsaud . EN 1997, il a 20 ans, il est passionné de sport , il aime particulièrement le basket, un jour d’été, il fait un plongeon dans une piscine dont le niveau d’eau est très bas, il heurte le fond , les médecins diagnostiquent une probable paralysie à vie .  A ce moment là , sa vie bascule…

GCM va donc se servir de son histoire personnelle pour écrire le scénario et réaliser une comédie dramatique inspirée de son livre du même nom « Patients » paru en 2012.

Pari risqué, peut être, que celui de vouloir encore parler d’un sujet aussi sensible que celui du handicap . Le succès du film «  Les Intouchables » est encore dans toutes les mémoires!

Le premier plan du film nous avertit sans ambiguïté .

« Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant  existé n’est en aucun cas le fruit du hasard »

Avec Ben , le double de Fabien dans le film , les portes de ce centre de rééducation pour handicapés lourds vont donc se refermer sur nous, nous allons être plongés dans un autre monde , inquiétant, méconnu, le monde du handicap , nous allons tout partager de la vie au quotidien de jeunes gens qui sont tous comme Ben, fracassés par des accidents de la vie.

De prime abord , ce huis clos dans un centre de réadaptation pour handicapés peut nous faire craindre un film complètement plombé par un côté pathos exacerbé ou par un réalisme trop frontal et insupportable.

C’est vrai « qu’à vingt ans on n’a rien à faire à l’hosto » c’est révoltant et pourtant Ben a 20 ans , il est arrivé dans ce centre après son terrible accident « Bienvenue chez toi » lui a t’on souhaité mais « ce n’est pas chez moi , je ne fais que passer ». Avec lui, nous allons faire la connaissance de Farid , Eric, Steeve, Toussaint, Kevin, ils sont tous en fauteuils roulants dans des couloirs sans âme où règne une atmosphère pesante, ce seront les nouveaux amis de Ben.

Ici , on les appelle les « paras », les « tétras », les « TC » ( traumatisés crâniens) la réalité est insupportable mais elle est ainsi..

Laissons pourtant nos craintes de coté et courons voir ce film juste, courageux , touchant , drôle, sincère, au casting irrésistible , car ces paras , ces tétras et ces TC vont nous remuer et nous donner une belle leçon de vie.

Ben a été diagnostiqué « tétraplégique incomplet » son état pourtant grave n’est pas désespéré, il aura donc l’espoir de pouvoir progressivement récupérer l’usage de ses bras et de ses jambes.

Certains de ses compagnons d’infortune seront moins chanceux que lui , ils ne quitteront plus jamais leur fauteuil roulant.

Avec qui , avec quoi et comment supporter toutes ces douleurs et ces souffrances et trouver en soi  l’espoir et les ressources  pour « s’adapter ».

On ne guérit pas seul.

Ben va faire de belles rencontres dans ce centre, de nouvelles amitiés se nouent dans les couloirs , avec Farid, en fauteuil depuis l’âge de 4 ans, avec Toussaint à qui on ne connait aucune famille, avec la belle Samia et bien d’autres encore.

Tous ensemble, ils vont jouer de l’auto – dérision et se délecter d’un humour cash , pour tenter de mettre leur drame à distance. Entre les potes, les vannes fusent, nous allons rire de situations pas faciles car, autonomie zéro= intimité zéro , toilettes , douche, habillage tout se fait à deux.

Pablo Pauly dans le rôle principal est magnifique, son jeu est très physique, son oeil est doux et malicieux.

On ne guérit pas seul quand on est dépendant pour le moindre geste du quotidien. Ben va découvrir les joies de la petite et de la grande toilette avec Jean Marie, son dévoué aide -soignant , un tantinet infantilisant qui troque les « tu » par des « il » « et comment il va ce matin » « il veut que je lui allume la télé » Ben a droit au même discours un peu lourdaud chaque matin . Les spectateurs rient beaucoup.

Quand tu n’es pas autonome , tu passes ton temps à attendre ton tour pour tout , se lever , se laver , s’habiller, manger, si bien « qu’il faut être pote avec la grande aiguille de l’horloge » .

Heureusement qu’il y a les potes mais il arrive qu’on s’ennuie un peu dans le centre , après «l’’art d’apprendre la patience patiemment », il faudra aussi apprendre à « niquer des heures » pour emballer un peu plus vite l’horloge  avec un bon film , une bonne sieste, un coup de téléphone , une cigarette ou une musique de Bob Marley.

Et puis , avec le courage d’un combattant , Ben va commencer au fil des mois à bouger un orteil , puis une main , le bras , se tenir assis , passer le sel à son voisin et enfin faire ses premiers pas entre deux barres fixes,  grâce à l’aide de François , son formidable kiné , avec lequel  il partage toutes ses petites victoires .Douze mois après son entrée dans le centre , la dernière étape arrive enfin « ce sont les béquilles, l’ultime symbole de récupération et d’espoir ». Dans le centre « il y a ceux qui ont des béquilles et ceux qui n’en ont pas ». Ben aura cette chance d’en posséder et de pouvoir remarcher même si cela ne sera plus jamais comme avant .

Il quittera le centre , il a vingt ans et à partir de ce jour , la vie ne sera plus jamais la même . Ses rêves seront différents , un champ des possibles s’ouvrira en très grand pour lui  mais cela est autre histoire…..

Pendant 1h50 , on passe du rire à l’émotion , de la souffrance à l’énergie , de l’adversité à l’espoir .

On perçoit ainsi de la part de Grand corps Malade et de Mehdi Idir le souci constant de la recherche d’un juste équilibre entre une version trop cruelle et une version trop larmoyante de la vie de ces jeunes gens en situation de handicap.

En effet , sans être jamais impudique , GCM a choisi cependant de ne rien cacher et de ne rien édulcorer de la réalité du handicap , sa caméra est crue parfois tout en restant délicate . Sa caméra est drôle pour ne pas s’apitoyer, sa caméra lente au début du film puis plus rapide accompagne les progrès de la rééducation de Ben .  Le parti pris d’une mise en scène sobre est celui de mettre toute la lumière sur les acteurs pour que les regards des spectateurs oublient les fauteuils pour s’attacher aux personnages.

«  Dans le regard des gens sur un mec handicapé , tu n’es rien d’autre qu’un handicapé , tu n’as pas d’histoire, pas de particularités, ton handicap est ta seule identité ».

Le pari de Grand Corps Malade et de Mehdi Idir est gagné . Dans ce premier long métrage , ils ont réussi à parler avec justesse du handicap et à rappeler avec beaucoup d’humour , de délicatesse et d’humanité qu’un handicapé est d’abord un être humain .

Ce film est porté par une bande de jeunes acteurs touchants au charisme et au talent irrésistibles.

Ce film « PATIENTS » se regarde comme une ode à la vie , c’est le récit d’une renaissance.

« Les cinq sens des handicapés sont touchés mais c’est un sixième sens qui les délivre , bien au delà de la volonté…. ce sixième sens qui apparaît , c’est simplement l’envie de vivre ».

A voir absolument….

Michèle Lopez. Bénévole ASP fondatrice